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La belle

Cɛɲumani

La belle

Dans un village vivait une jeune fille. Elle était la plus belle de tout le village. Cette impressionnante beauté avait fait naître un sentiment de confiance chez la jeune fille. Tout le monde ne jurait que par elle. La demoiselle s’appelait Cɛnyumani. Les villageois n’ont pas trouvé mieux que le nom Cɛnyumani qui veut dire « la belle » pour la designer.

Cette jeune fille n’échangeait qu’avec les jeunes gens d’autres villages avec qui elle s’entendait parfaitement. Bon nombre de jeunes de son village ont proposé de l’épouser mais elle refusa. Elle rejetait toutes ces offres parce qu’elle voulait quelqu’un d’aussi beau qu’elle. Les conseils n’ont rien changé. A l’est dudit village, existait une forêt maléfique, un très gros piton se trouvait dans cette forêt. Ce gros piton se transforma en un très bel homme et vint échanger avec la belle Cɛnyumani. Elle tomba très vite sous le charme du jeune homme qui la demanda en mariage. Les parents de la fille acceptèrent.

Dans les coutumes anciennes, les jeunes filles vivent généralement chez une vieille ou elles apprennent tout. Elles causent là et font tous leurs travaux chez cette conseillère. Cɛnyumani et sa sœur cadette vivaient chez une vieille. La vieille et la sœur de Cɛnyumani eurent des doutes. La vieille étant dotée de pouvoir mystique, pressentit quelque chose : « Cet homme n’est pas un être humain, c’est un génie. » dit-elle.

Cela n’enleva rien à la détermination de Cɛnyumani à épouser l’homme. Tout lui a été dit mais elle ne voulait épouser personne d’autre que ce jeune homme. Le jeune homme l’épousa. Après le mariage, il est de coutume chez les mandingues que la mariée aille chez son époux assistée par l’une de ses petites sœurs. Cɛnyumani est donc allée avec sa sœur cadette.

La vieille récita des incantations sur trois pierres et les remit à celle-ci et lui dit qu’en cas de désagréments, elle devrait utiliser ces pierres pour les protéger (elle et sa sœur). Les deux sœurs allèrent après le mariage. Elles se rendirent compte que l’homme habite une très grande forêt. L’homme avait toujours la posture humaine. Quelques temps plus tard, il voulut manger les deux filles puisqu’il est en réalité un gros piton transformé en humain.

Une fois la nuit tombée, la petite sœur fit semblant d’être endormie. Au moment où la nuit était très avancée, l’homme se transforma en un très gros piton, tournoya et vint se tendre près de la mariée pendant que cette dernière dormait. La petite sœur leva la tête et vit un gros piton étalé. Elle se tut.

Au lever du jour, quand l’homme alla au travail, la petite dit à sa sœur ainée : « Ton époux n’est pas un être humain, hier soir pendant qu’on dormait, il s’est transformé en un gros piton auprès de toi. Nous devons nous en aller avant qu’il ne revienne ». Cɛnyumani obéit à sa sœur. Elles quittèrent donc les lieux. De retour du travail, l’homme ne trouva ni son épouse ni la sœur de celle-ci. Il sut dès lors que son plan avait été découvert. Il suivit leurs traces et se mit à leur poursuite.

Elles aussi couraient pendant que les trois pierres, remit par la vieille femme, étaient attachées au bout du pagne de la cadette. Lorsqu’elles surent qu’elles étaient poursuivies par un piton qui se levait et se lançait derrière elles, la petite sœur jeta une pierre qui se transforma en une très grande montagne entre elles et le piton.

Avant que le reptile ne finisse d’escalader cette montagne, les deux sœurs étaient déjà très loin. A l’approche du piton, la sœur jeta la deuxième pierre qui devint une très grande forêt avec des arbres entremêlés ralentissant le serpent. Les deux sœurs prirent encore la fuite et s’éloignèrent davantage. Elles avancèrent ainsi jusqu’à ce que le gros reptile les rattrape. La sœur jeta la dernière pierre qui devint un grand feu.

Le temps mit par le serpent pour éteindre ce feu avec sa salive, permis aux fugitives de s’éloigner. Il y avait un fleuve entre la concession du piton et celle du père de Cɛnyumani. Elles arrivèrent au niveau de ce fleuve. Les infortunées n’avaient personne pour leur permettre de traverser alors que derrière elles se trouvaient le dangereux piton.

Dans ce fleuve vivait un oiseau d’espoir, il faisait traverser souvent des personnes dans le besoin. Lorsqu’elles aperçurent l’oiseau, la petite sœur se mit à chanter :

Faites-nous traverser, faites-nous traverser oiseau noir au long cou Faites-nous traverser, faites-nous traverser oiseau noir au long cou

Nous avons des bœufs chez nous oiseau noir au long cou

Nous avons des moutons chez nous oiseau noir au long cou

Faites-nous traverser, faites-nous traverser oiseau noir au long cou

L’oiseau vint prendre la grande sœur et l’amena de l’autre côté du fleuve et revint chercher la sœur qui entonna le même chant :

Comptine

Il prit également la sœur et la fit traverser. Le piton arriva à son tour au bord du fleuve. Il ne savait pas comment traverser. Il ne savait pas chanter non plus la chanson. La petite sœur revint à la charge :

Comptine

L’oiseau souleva le piton en vue de le faire traverser mais arrivés au milieu du fleuve, elle entonna un autre chant :

Lâchez-le, lâchez-le, oiseau noir au long cou (2fois) Lâchez-le, lâchez-le, oiseau noir au long cou (2fois)

Il n’a pas de bœuf chez lui, oiseau noir au long cou

Il n’a pas de mouton chez lui, oiseau noir au long cou

C’est un dangereux serpent, oiseau noir au long cou

Lâchez-le, lâchez-le, oiseau noir au long cou

L’oiseau lâcha donc le serpent dans le fleuve. C’est ainsi que la nouvelle mariée et sa sœur échappèrent au serpent et rentrèrent chez elles.

C’est pourquoi il est demandé aux filles d’être moins exigeantes en matière d’homme. « Si tu n’arrêtes pas de trier les hommes, à la longue tu regretteras ton choix. Quelle que soit ta beauté, ta dignité se trouve dans le mariage. Mais dans le mariage, si tu veux aussi trier : je ne veux pas ceci, je veux cela. Si tu exagères, tu vas le regretter un jour. »