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Le noyau du code orthographique du dioula au Burkina Faso

Mohammadou DIALLO
Université de Ouagadougou

Abréviations et sigles

ACCT

Agence de Coopération Culturelle et Technique

API

Alphabet Phonétique International

Constr. intr.

Construction intransitive

Const. tr.

Construction transitive

DBF

Dioula au Burkina Faso, dioula du Burkina Faso

DNAFLA

Direction Nationale d’Alphabétisation Fonctionelle et de la Linguistique Appliquée (Mali)

ILA

Institut de Linguistique Appliquée - Université d’Abidjan

INA

Institut National d’Alphabétisation (Burkina Faso)

INADES/F

Institut Africain pour le Développement Economique et Social - Centre Africain de Formation

MAPE

Projet Manding / Peulh

ORD

Organisme Régional de Développement

SIL

Société Internationale de Linguistique

Introduction

Depuis une décennie les écrits en dioula au Burkina Faso connaissent un essor considérable à l’intention de l’électorat alphabétisé au nombre croissants qui a besoin de lire pour maintenir et consolider les acquis de l’alphabétisation. Les scripteurs en DBF, personnes physiques ou morales sont nombreux et d’origine diverses. Parmi eux on peut citer les néo-alphabètes les institutions publiques ou privées telles que l’INA, l’Université, l’INADES/F, les missions religieuses et les organisations non gouvernementales. La documentation disponible est constituée d’une part de recueil de texte oraux (comptes, proverbes etc.), de pièces de théâtre et d’autre part de Manuels d’alphabétisation et de postalphabétisation quelquefois traduit du français. Généralement les thèmes abordés dans le dernier type de document concernent la santé, l’agriculture et l’élevage, la religion, le calcul, la gestion et le droit. Des lexiques et des périodiques sont également disponibles en DBF.

Quand on examine les écrits de différents scripteurs on relève de nombreuses incohérences dans le système d’écriture du DBF. Il en est de même dans les écrits d’un même scripteur. Or l’orthographe suppose la reconnaissance de normes que tous les usagers doivent respecter. Pour le DBF une telle norme existe mais pourquoi les usagers ne parviennent pas à s’y conformer lorsqu’ils écrivent en Dioula ? C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre dans le présent article.[1]

Pour se faire nous donnerons dans un premier volet un bref aperçu de la genèse des principes orthographiques du DBF.

Dans un deuxième volet nous examinerons l’alphabet, les règles de transcription orthographique du DBF actuellement en vigueur au Burkina Faso, et le lexique de base qui les accompagne.

Dans un troisième volet nous passerons en revue la documentation disponible qui véhicule les informations sur les règles de transcription orthographique du DBF.

1. Genèse des principes orthographiques du DBF

C’est depuis une trentaine d’années que le Burkina Faso (ex Haute-Volta) s’est engagé dans une politique de revalorisation des langues nationales. A ce titre une des dispositions importantes qui a été prise fut la création le 17 janvier 1969 de la Commission nationale de langues voltaïque par décret no 69/012/PRES. Le 15 juillet 1971 sous la Commission nationale du dioula a vu le jour par l’arrêté ministériel numéro 54/ENC/CNU. Dès le 16 juillet 1971 les membres de cette sous-commission nationale ont commencé à étudier le projet fixant l’alphabet du DBF. Les conclusions de leurs travaux ont été rendus officiel le 27 juillet 1973 par décision no 367/ENC/CNU du ministère de l’Education nationale de l’époque. Dès lors les principes recommandés par la sous-commission nationale doivent être appliquées dans les écrits en dioula progressivement pour tenir compte par exemple de la non-disponibilité sur le clavier des machines ordinaires de l’époque de certaines lettres représentées par les symboles de l’API. On trouvera dans l’ouvrage intitulé : Règles de transcription et lexique de base dioula publié pour la première fois en 1974 par la sous-commission nationale du du la les textes ci-dessus évoqués, l’alphabet les règles de transcription du DBF et un lexique de base dioula / français.

2. L’alphabet, les règles de transcription orthographique du DBF et le lexique de base

2.1. L’alphabet du DBF

Les lettres de l’alphabet présenté sous-commission (1974 p. 6) figure les diagraphes sh et ny.

Dans le lexique de base sh n’apparaît qu’à l’initiale de 4 entrées. (shɛɛ́ : "poule", shii : "vie", shɔɔ́ "haricot", shyɛ́n : "gratter"). Dans les écrits l’initiale de ces mots est remplacé par S.

Quant à ny c’est le symbole ɲ qui a été introduit pour le remplacer. Dans le lexique de base et dans les écrits en DBF sont utilisés les lettres nb nk ng np nt ns, ŋw pour les sons prénatales gw pour le vélaire labialisée et v pour la fricative labiodentale; or ces sons ne sont pas représentés dans l’alphabet du DBF.

2.2. Les règles de transcription orthographique du DBF

Les observations faites ici se fondent exclusivement sur les règles présentées dans Sous-commission (1974). Seules ces règles peuvent être considérés comme officielles étant entendu qu’elles ont été proposées par la Sous-commission nationale du dioula et entériné par l’autorité politique.

Ces règles ne concerne que :

Il en résulte que de nombreux aspects de la systématique du dioula et des points orthographiques d’usage qui pourrait faire l’objet de conventions orthographiques ont été négligées. L’insuffisance des règles proposées et l’imprécision des règles établies comme nous le verrons à travers l’exposé qui va suivre constitue deux grosses lacunes qui laissent la liberté aux scripteurs en DBF de prendre des décisions individuelles - à l’origine du manque d’harmonie que l’on constate dans les écrits en DBF pour contourner certaines difficultés qu’ils rencontrent au cours de la rédaction des textes. Les utilisateurs du code orthographique du DBF (auteurs, traducteurs, enseignants, néo-alphabétisés que nous avons interrogé citent comme difficultés,[2] l’absence de règles concernant :

  • le choix des sons en variation libre

  • l’écriture des voyelles ultrabrèves

  • l’écriture des formes redoubler et des formes conglomérées

  • l’écriture des noms propres et des sigles

  • l’écriture des locutions postpositives

  • l’autographe des emprunts

  • l’insertion des citations

  • l’emploi de la majuscule et de la ponctuation

Pour mettre en évidence l’imprécision et l’incomplet études des règles consignées dans Sous-commission (1974) nous allons à présent examiner le contenu en suivant l’ordre dans lequel elles y sont présentés.

2.2.1. L’utilisation de l’apostrophe

La première règle pourtant sur l’utilisation de l’apostrophe (Sous-commission 1974 p. 7) indique tout simplement que l’élision d’une voyelle a lieu lors de la rencontre de deux mots consécutifs. Cette règle est vague. Elle ne dit pas dans quel contexte précis se produit l’élision. Elle n’indique pas s’il faut utiliser l’apostrophe dans tous les contextes ou l’élision se produit. Elle ne signale pas non plus la catégorie grammaticale des formes dont la voyelle finale est concernée par l’élision. En DBF l’élision concerne la voyelle finale des marqueurs verbaux des coordinatifs ni et ani du morphème à valeur hypothétique ni et des verbes, lorsque ces formes précèdent les personnels 2e et 3e personnes du singulier et du pluriel ou tout autre forme à initiale vocalique. Dans les écrits en DBF on observe que le traitement de la voyelle finale des verbes en rapport avec le phénomène d’élision varie d’un scripteur à l’autre ou quelquefois chez le même scripteur la tendance générale étant de ne pas élider la voyelle finale des verbes.

Il est particulièrement remarquable que l’élision de la voyelle finale des verbes monosyllabiques dans les textes en DBF constitue une source d’hésitation au cours de leur lecture. Amputés de leur voyelle, ces verbes ne sont pas immédiatement reconnus par les lecteurs. L’option de ne pas élider la voyelle des verbes a été retenu lors du séminaire de révision des règles orthographiques.

2.2.2. L’écriture des suffixes et des préfixes

La deuxième règle concernant l’écriture des suffixes et des préfixes dit tout simplement que les "suffixes et les préfixes s’écrivent attachés au mot radical (Sous commission, 1974 p. 7).

La première observation que l’on peut faire ici concerne les termes "suffixe" et "préfixe" qui appartiennent à une terminologie morphologique. Ils évoquent tout simplement la position des unités grammaticales (dérivatif ou morphème marqueurs) qui entrent dans la formation d’une base ou d’une constituant syntaxique et n’apportent aucune information quant à leur statut. Il en découle que la règle dont on a affaire ici aborde en même temps des phénomènes qu’il conviendrait de traiter dans des rubriques différentes.

Ces phénomènes sont :

La deuxième observation et que dans les exemples qui illustrent l’application de la règle d’écriture des affixes, on relève des formes qui ne sont pas typiquement dioula et d’autres qui sont mal identifiés. Il s’agit du suffixe du résultatif, de la marque du progressif, de la marque de l’optatif, de quelques dérivatifs et de ka/man marques des lexèmes verbaux de sens qualificatif.

2.2.2.1. Le suffixe du résultatif

Ce suffixe identifié comme marque de conjugaison est en fait un dérivatif qui sert à former la participe résultatif. En DBF il est recueilli d’une façon constante et stable sous le forme de -nin aussi bien en contexte oral quand contexte nasal et cela constitue une spécificité du DBF par rapport au bambara. En bambara le suffixe du résultatif est réalisé -len en contexte oral et -nen en contexte nasal.

Les énoncés proposés dans sous-commission (1974 p.7) pour illustrer l’écriture du suffixe du résultatif sont les suivants :

(1)

a sigilen bɛ

il est assis

(2)

a sɛgɛnen bɛ

il est fatigué

Les dioulaphones diront plutôt :

(3)

a siginin lo

il est assis

(4)

a sɛgɛnin lo

il est fatigué

La comparaison de (1), (2), et (3), (4) montre par ailleurs que les dioulaphones emploient une forme lo comme président prédicatif non verbale à valeur d’identification au lieu d’une forme et utilisé surtout en bambara après le participe résultatif. Le correspondant négatif de ces formes est en bambara et en DBF.

Exemples

(5)

a siginin tɛ

il n’est pas assis

(6)

a sɛgɛnin tɛ

il n’est pas fatiqué

Dans une autre énoncé proposé pour illustrer l’écriture du dérivatif à valeur de progressif :

(7)

a bɔtɔ don

il est en train de sortir

on note l’emploi de don, une forme typiquement bambara correspondant à la forme lo en DBF.

Les dioulaphones diront :

(8)

a bɔtɔ lo

il est en train de sortir

2.2.2.2. La marque du progressif

Dans Sous-commission (1974 p. 7) cette marque est représentée par le suffixe la et sa variante na. La variante ra a été ommise. Ce suffixe est toujours employé en association avec une forme bi, succédant immédiatement au terme en fonction de sujet.

Dans les énoncés proposés comme exemple :

(9)

bɛ tobila

c’est en train de cuire

(10)

bɛ nana

il est en train de venir

C’est une forme de , caractéristique du bambara et de parler mandingues ivoiriens qui occupe la position de bi

Les dioulaphones diront:

(11)

bi tobira

c’est en train de cuire

(12)

bi nana

il est en train de venir

2.2.2.3. La marque de l’optatif

La marque de l’optatif est représentée par les formes suivantes: -ra,~ -la ~ -na Sous commission (1974 p. 7). Dans les énoncés qui véhiculent une valeur optative en DBF -ra et ses variantes -la et -na nécessairement suffixées à une base verbale ou verbo-nominale fonctionnent toujours avec un élément ma précédé exclusivement du mon Ala (Dieu) qui a été omis dans Sous commission (1974 p.7). La marque de l’optatif peut-être figuré ainsi qu’il suit: ma… ~ ra ~ -la ~ -na. Cette marque peut alterner avec ka sans que cela n’entraîne de changement sur le plan sémantique. Leur correspondant négatif est kana.

Dans les constructions à valeur optative on demande à Dieu que soit réalisé un souhait ou un vœu.

Exemple :

(13)

ma kɛnɛya dira

que Dieu donne la santé

(14)

ka kɛnɛya di

que Dieu donne la santé

2.2.2.4. Les dérivatifs

Sont considérés comme dérivatif des morphèmes qui participent à la formation des bases. Ils ne sont pas à confondre avec les morphèmes marqueurs qui associés à une base simple, dérivée ou composée, la fond accéder au rang de constituant syntaxique. Parmi les dérivatifs listés dans Sous-commission (1974 pp. 7-8), on relève deux formes avec une consonne initiale prénasale :

-nti (-nci en bambara) suffixe servant à former des noms d’agents excessifs : "celui qui…"

(15)

janfanti

"traitre"

-ntan suffixe ayant un sens privatif : "dépourvu de…"

(16)

warintan

"dépourvu d’argent", "pauvre"

A notre connaissance il n’existe, à proprement parler, que quatre items à initiale prénasale en DBF, ces items sont :

(17)

nne

form emphatique du personnel première personne du singulier

(18)

nba

réponse des hommes à une salutation

(19)

nse

réponse des femmes à une salutation

(20)

nga

"mais"

Parmi les dialectes mandingues géographiquement proches du DBF c’est le bambara qui atteste des sons prénatal. par conséquent on pourrait admettre que les deux dérivatifs dont il a été question ci-avant sont des variantes dialectales d’origine bambara. Une forme pe comme dans kelenpe: "un seul" est abusivement signalé comme dérivatif. En fait il s’agit de la forme réduite de l’adverbe idéophonique pewu traduisible par "complètement".

Exemple

(21)

a tilala pewu

a terminé complètement

2.2.2.5. Les marques ka/man des lexèmes verbaux de sens qualificatif

Le morphème ka (affirmatif) et ils son correspondant man (négatif) sont des formes qui fonctionnent avec au moins une quarantaine de lexèmes verbaux de sens qualificatif en mandingue dépourvu de forme de citation isolée. On les recueille toujours à la forme … ka ou … man + lexème de sens qualificatif. Dans Sous-commission (1974 p. 8) ka a et man sont étiquetés comme "préfixes de conjugaison des adjectifs" et il est proposé de les écrire collés aux formes qui précèdent :

Exemples

(22)

kafisa

"être mieux"

(23)

mandi

"être agréable"

Dans les écrits en DBF en constate que cette règle n’a pas été suivie par les scripteurs. Ce qui constitue non seulement un écart par rapport à une norme établie donc une faute, mais aussi une distorsion relativement aux observations qu’on peut faire sur la langue. Parlant des conventions de découpage des mots dans une langue dotée d’une standardisation orthographique, Creissels (1991 p. 33) fait allusion à l’écriture des marques ka/man que l’on retrouve également en bambara: "ainsi en bambara on écrit par exemple misiw "les vaches", a ka bon "il est gros" la marque de pluriel autographié w est collé au substances dont elle est pourtant séparable dans cette langue ; le morphème de l’affirmation ka est séparé du morphème suivant, donc il est pourtant rigoureusement inséparable. Une graphie du bambara tout à fait dégagée de l’influence des pratiques orthographiques européennes aurait certainement abouti au découpage misiu "les vaches" et kabon "il est gros" en adéquation avec les observations que l’on peut faire en bambara ou en DBF.

2.2.2.6. L’écriture des auxiliaires, des postpositions et des adjectifs

La règle concernant l’écriture des auxiliaires, des propositions, les adjectifs, des mots exprimant la manière le temps la cause, et les éléments de locution ou syntagme distributionnelle indique qu’il faut "les séparer dans l’écriture" Sous commission (1974 p. 8).

2.2.2.6.1. Les auxiliaires

Il s’agit essentiellement des marques de conjugaison ou prédicatif verbaux qui se présente sous forme de copules en DBF. Dans Sous commission (1974 p. 8) ils sont représentés par les formes suivantes:

(24)

"be(=bɛ), te(=tɛ), bena (=na), tena, ka, kana, man et tun".

Les tableaux que nous proposons ci-après présentent les marques de conjugaison qui en DBF ont comme aptitude commune parmi d’autres :

  • de pouvoir s’associer à une base verbale ou verbaux nominal pour fournir une constituant syntaxique assumant la fonction de prédication une structure prédicative minimale

  • d’entrer dans une corrélation affirmative/négatif

  • d’être compatible avec le morphème de l’actuel

  • d’être compatible avec tous les personnages

La marque de l’hypothèque mana. Le morphème de l’inactuel tun de même que les marques de l’optatif et de l’impératif on les traits qui les particularisent par rapport aux marques de conjugaison présentées. C’est la raison pour laquelle elle n’apparaissent pas dans les tableaux ci-après.

  • Mana ne peut être utilisé dans une séquence de propositions dont il marque la proposition dépendante.

  • En outre il n’a pas de correspondant négatif.

  • Tun présente la particularité de pouvoir être employé aussi bien dans Les énoncés verbaux que dans les énoncés non verbaux. Il n’a pas de correspondant négatif.

  • Les marques de l’optatif ont comme spécificité de ne pouvoir fonctionner que dans les énoncés où le terme sujet ne peut être assumé que par le nom de Dieu : Ala.

  • Les marques de l’impératif sont incompatibles avec le morphème tun. En plus elles sont incompatibles avec les personnels autres que la 1re et la 2e personne du pluriel.

Tableau 1. marques de conjugaison des verbes processus
Affirmatif Négatif Aspect Const. inter Const tr

~ ra ~ -la ~ -na

+

ma

accompli

+

+

yi

+

bi

ti

habituel

+

+

bi…​ -ra ~ -la ~ -na

ti…​ -ra ~ -la ~ -na

progressif

+

+

bina/na

tina

prospectif

+

+

ka

kana

projectif

+

+

Tableau 2. marque de conjugaison de l’accès-verbo de sens qualificatif
Affirmatif Négatif

ka

man

Les deux tableaux ci-avant présentent les deux sous-systèmes des marques de conjugaison du DBF.

Le premier sous-système (cf. tableau 1) comprend les marques de conjugaison des verbes qui véhiculent une valeur dynamique. Creicsels (1983, p. 35) les appelle "verbes de processus".

Parmi les marques de conjugaison des verbes de processus, seule la marque de l’accompli -ra et ses variantes -na apparaissent suffixés aux bases verbales ou verbo-nominales dans les constructions intransitives. C’est la forme -ra qui en DBF présente la plus grande occurrence par rapport à la forme -la. La forme -na est réalisée en contexte nasal.

Les formes yi et ti sont celles qui sont les plus couramment utilisés par les dioulaphones au Burkina Faso. On peut admettre quand fixant les principes orthographiques du DBF on a retenu les formes "ye, be ~ bɛ et te ~ tɛ" (Sous commission, 1974 p. 8) parce que les oppositions dans i/e et e/ɛ dans ces formes ne sont pas pertinentes. Le choix des alophones de base s’est porté sur /e/ et /ɛ/ pour endiguer la manifestation des variantes idiolactale ou dialectal dans les écrits. En optant pour ces formes de dioula écrit, ce choix devrait être accompagné d’une explication pour signaler au lecteur qu’elles doivent être lues comme elles sont prononcées dans la langue. En l’absence d’une telle explication pour guider la lecture de ces formes, les dioulaphones n’arrivent pas à lire aisément le dioula écrit ou produisent des textes dont l’audition ne recueille pas l’assentiment des locuteurs.

Le deuxième sous-système (cf. tableau 2) comprend les marques ka/man. Elle s’associe à des lexèmes verbaux de sens qualificatif pour former des constituants syntaxiques assumant la fonction de prédicat dans une structure prédicative minimale. Nous ne suivons pas ici l’habitude qui s’est instauré de désigner ces lexèmes comme "adjectifs" car cela revient à mettre au second plan le trait qu’ils ont en commun : c’est-à-dire leur aptitude à fonctionner comme prédicat, pour mettre l’accent sur un trait qu’ils n’ont pas tous : c’est-à-dire l’aptitude à déterminer un nom. Nous considérons les lexèmes prédicables en ka/man comme des verbes statiques selon Creissels (1985) en nous fondant sur l’aptitude commune qu’ils ont de pouvoir fonctionner en association avec ka/man comme predicat.

2.2.2.6.2. Les postpositions

La liste des postpositions présentées dans Sous-commission (1974 p. 8) est :

"ra(= na), fɛ, ma, kɔrɔ, kɔnɔ, nyɛ, kan, ye, bolo etc."

Sur cette liste il convient de distinguer les morphèmes spécialisés en fonction de rélateur de circonstant : ra et ses variantes la ~ na, fɛ, ma et ye des lexèmes nominaux aptes figurer en position de rélateur de circonstant ou il commutent avec les morphèmes spécialisés dans cette fonction : les noms relationnels kɔrɔ, kɔnɔ, kɔ, ɲɛ, kan, ye, bolo, kun et .

Noms relationnelles et morphèmes spécialisés en fonction de rélateur de circonstant peuvent se combiner pour former une catégorie de base composées nominales aptes à fonctionner :

  • Soit quand constituant par elle-mêmes un terme circonstant, dans ce cas elles sont pourvues de marque de spécification

  • soit comme rélateur de circonstant, dans ce cas elles sont dépourvues de toutes marque de modalité nominale

Dans Sous-commission (1974) aucune règle ne signale l’écriture de ces formes composées, ce qui laisse la liberté aux auteurs d’écrire leur formants tantôt collés tantôt séparés. L’option d’écrire les fondements de telles composées a été retenue lors du séminaire.

Les formes composées sont:

(25)

ɲa + fɛ

ɲafɛ

"devant"

(26)

ɲa + na

ɲana

"en présence de"

(27)

kan + ma

kanma

"à cause de"

(28)

kɔnɔ + na

kɔnɔna

"dedans"

(29)

cɛ + ma

cɛma

"parmi"

(30)

cɛ + ra

cɛra

"parmi"

(31)

bolo + la

bolola

"en main"

(32)

kun + fɛ

kunfɛ

"vers l’avant"

(33)

kun + na

kunna

"au dessus"

(34)

da + ra

dara

"au bord"

(35)

san + fɛ

sanfɛ

"en haut"

(36)

nɔ + fɛ

nɔfɛ

"à la suite"

(37)

fan + fɛ

fanfɛ

"vers"

(38)

dugu + ma

duguma

"par terre"

(39)

sen fɛ

senfɛ

"au cours de"

(40)

gɛrɛn fɛ

gɛrɛnfɛ

"à côte de"

(41)

gɛrɛn na

gɛrɛnna

"sur le côté"

(42)

ju + kɔrɔ

jukɔrɔ

"sous, dessous"

Il convient de signaler ici les formants les morphèmes kabi ~ kabini "depuis" et "sauf" "jusqu’à" qui fonctionnent comme prépositions lorsqu’ils servent à introduire des circonstants.

2.2.2.6.3. Les adjectifs

Dans Sous-commission (1974 p. 8) il est dit tout simplement que les "adjectifs sont séparés dans l’écriture sauf exception"

Exemples

(43)

"ji suma, bɔ jan"

Les exemples proposés permettent de savoir qu’il s’agit là de l’écriture des formes susceptibles d’assumer la fonction de qualifiant dans un syntagme qualificatif caractérisé par la proposition du déterminant au déterminé.

Ces formes peuvent être : soit des bases nominales soit des bases verbales simple ou dérivées parmi lesquels une proportion importante est constituée par des verbes de sens qualificatif. La référence aux critères de compacité tonale permettrait d’opter de coller dans l’écriture les formats de telles séquences. Nous y reviendrons (voir 2.3.1). Nulle part il en est fait allusion à l’écriture du type syntagme complétif dont les constituants sont juxtaposées.

2.2.2.6.4. l’écriture des mots exprimant la manière le temps le lieu la cause etc.

Il s’agit ici des unités qui convient d’appeler substitut nominaux : Ce sont deux fausses unités élémentaires qui amalgame en un signifiant unique les deux éléments en général distincts que sont le renvoi à une notion de l’indication d’une opération sur notion Creissels (1983 p. 75). Selon les notions auxquelles ils font référence on peut distinguer :

  • les substituts exprimant la manière (cogo) dont se présente ou se réalise un procès

(44)

tan

"comme ci"

(45)

ten

"comme ça"

(46)

di

"comment"

  • les substituts à valeur temporelle que font référence à la notion de temps(tuma) :

(47)

bi

"aujourd’hui"

(48)

sini

"demain"

(49)

kunu

"hier"

(50)

salon

"l’année dernière"

(51)

sisan

"maintenant"

(52)

ɲinan

"cette année"

  • les substituts à valeur locative qui font référence à la notion de lieu(yɔrɔ) :

(53)

yan

"ici"

(54)

yen

"là-bas"

(55)

min

"ou"

Les femmes citées comme exemple de substitut nominaux dans Sous-commission (1974 p. 9) "cogo, tuma, yɔrɔ" sont en fait des notions auxquelles renvoient les substituts nominaux.

Exemples :

(56)

tan ⟶ o cogo ra

"comme-ci"

(57)

sisan ⟶ tuma nin

"maintenant"

(58)

yan ⟶ yɔrɔ nin

"ici"

Les substituts nominaux se distinguent des noms par le fait qu’ils sont en marge de système de détermination des bases nominales. Il ne s’associe pas aux marqueurs de spécification qui caractérisent le nom. Les modalités de spécifications auxquelles il renvoie leur sont inhérentes.

2.2.2.6.5. L’écriture des éléments du syntagme distributif

Dans Sous commission (1974 p. 9) il est dit simplement que les "éléments des locutions" telles que :

(59) yɔrɔ o yɔrɔ, mɔgɔ o mɔgɔ, mɛn o mɛn s’écrivent séparés. Les exemples proposés permettent de savoir qu’il s’agit de l’écriture des éléments du syntagme distributif. Les constituants d’un tel syntagme en dioula employé toujours au singulier et au défini sont cités sans aucune indication tonale. Cette indication est nécessaire quand on sait que la notation des tons dans l’orthographe du DBF est une règle qui a été préconisée par la Sous-commission nationale du dioula (cf. 2.3).

2.2.2.6.6. L’écriture des mots composés

La règle indique qu’il faut écrire en un mot les mots composés lorsqu’il fonctionne comme une seule unité soit du point de vue syntaxe soit du point de vue de tonal Sous-commission (1974 p. 9).

Les types de mots composés cités comme exemple sont limités à ceux qui sont formés soit de deux substantifs, soit d’un substantif et d’un verbe, soit ces mêmes types de composés lorsqu’un qualifiant s’intercale entre leurs divers formants. L’écriture des formes conglomérées et celle des composés dont le formant médian est une postposition ou un dérivatif ne sont pas signalés. Nulle part il est fait allusion à l’écriture des formes redoublées.

2.3. La notation des tons

Parmi les règles proposées dans Sous-commission (1974 pp. 9 et 10) une importance particulière est accordée à celle concernant la notation des tons. Elle fournit des indications pour la notation des tons lexicaux et pour la notation d’un ton grammaticale qui en dioula signifie la substantif défini. Ces indications que nous rappelons ci-après n’ont pas été suivi dans la pratique.

2.3.1. La notation des tons lexicaux

Pour la notation des tons lexicaux, il avait été retenu comme convention, les principes suivants :

  • lorsque tous les tons d’un mot sont hauts, ce mot porte un accent aigu sur la première syllabe.

Exemples:

Ecriture orthographique

(60)

mɔ̀

"pêcher"

[mɔ̀]

(61)

fára

"roche"

[fárá]

(62)

múruti

"se révolter"

[múrúti]

  • Lorsque tous les tons de mots sont bas ce mot ne porte aucun accent

Exemples:

Ecriture orthographique

(63)

"ruisseau"

[kɔ̀]

(64)

kuru

"boule"

[kùrù]

(65)

kurusi

"culotte"

[kùrùsi]

Ces deux principes s’appliquent également au format de composés de structure qualificative qui nonobstant, la règle de compacité tonale qui les caractérise "sont séparés dans l’écriture(…) sauf exception" Sous commission (1974 p. 8).

Exemples:

Ecriture orthographique

(66)

dén júgu

"enfant méchant"

[dé]

"enfant"

[júgú]

"méchant"

(67)

kúma gwɛlɛn

"parole difficile"

[kúmá]

"parole"

[gwɛ̀lɛ̀]

"difficile"

(68)

doni girin

"charge lourde"

[dòni]

"charge"

[gírí]

"lourd"

(69)

musi surun

"courte femme"

[mùsò]

"femme"

[sùrù]

"court"

Cette règle indique qu’il faut écrire les formats de certains composés à l’écriture qualificative en deux mots sans tenir compte de la règle de compacité tonale et d’écrire les formants d’autres composés ayant la même structure en un mot sans aucune précision. Elle est à l’origine de nombreuses incohérences que l’on relève dans les écrits en dioula. La solution adoptée au cours du séminaire et d’écrire "coller en un seul mot" les éléments des composés sans exception Sous commission (1999 p. 28).

  • lorsque le mot a à la fois des tons et des tons haut selon un ordre croissant, seul le premier ton haut est marqué au moyen d’un accent aigu.

Exemples:

Ecriture orthographique

(70)

manɔ́gɔ

"silure"

[mànɔ̀gɔ̀]

(71)

garisigɛ

"chance"

[gàrisígɛ́]

(72)

pɛnpɛ̀rɛ́

"aplatir"

[pɛ̀pɛ́rɛ́]

Ce principe s’applique également aux composés à structure complétive qui du fait qu’ils sont soumis à la règle de compacité totale s’écrivent en un mot :

  • Lorsque le premier format de tels composés est de schème tonal bas, l’accent aiguë est porté par la première syllabe du deuxième format.

Exemples:

Ecriture orthographique

(73)

dabakála

"manche de bois"

[dàbà]

"houe"

[kálá]

"manche"

(74)

misisén

"patte de boeuf"

[mìsì]

"boeuf"

[sé]"

patte"

(75)

nɛrɛfára

"écorce de néré"

[nɛ̀rɛ̀]

"néré"

[fárá]

"écorce"

  • Lorsque le premier format de tel composé et de chêne tonale eau sa première syllabe et celle qui porte un accent aigu.

Exemples:

Ecriture orthographique

(76)

yíribolo

"branche"

[jíri]

"arbre"

[bóló]

"bras"

(77)

jídaga

"canari"

[jí]

"eau"

[dàgà]

"canari"

  • Lorsque les fondements de tels composés sont de schèmes tonales bas, c’est la première syllabe du deuxième formant qui porte l’accent aigu.

Exemples:

Ecriture orthographique

(78)

kabató

"to de mais"

[kàbà]

"mais"

[tò]

"pâte"

(79)

nɛgɛjúru

"fil de fer"

[nɛ̀gɛ̀]

"fer"

[jùrù]

"corde"

(80)

nɛgɛsó

"vélo"

[nɛ̀gɛ̀]

"fer"

[sò]

"cheval"

  • Lorsque le mot comporte à la fois des tons hauts et bas selon un ordre décroissant en note tous les tons.

Exemples:

Ecriture orthographique

(81)

péndèli

"petit pagne"

[pédèli]

(82)

sélifana

"prière de 14 h"(islam)

[sélifaná]

(83)

mámìnɛ̀

"fiançailles"

[mámìnɛ̀]

  • Les morphèmes grammaticaux, toujours identifiables quels que soient leurs schèmes tonals, ne portent aucune marque de ton sauf quand cela est nécessaire pour des raisons pédagogiques.

Exemples:

Ecriture orthographique

Les coordinatifs

(84)

ni, ani

[ní],[àní]

Le connectif

(85)

ka

[ká]

Le translatif

(86)

ka

[kà]

Les marqueurs verbaux

(87)

ye/ma

[jé]/[má]

(88)

bi/ti

[bí]/[tí]

(89)

bina/tina

[bínà]/[tínà]

(90)

ka/kana

[ká]/[káná]

(91)

ka/man

[ká]/[má]

Les prédicatifs non verbaux

(92)

lo/tɛ

[ló]/[tɛ]

Les postpositions

(93)

ra, ma fɛ, ye

[rá],[mà],[fɛ̀],[jé]

Les prépositions

(94)

fɛ, kabi/kabini

[fɔ̀], [kàbí]/[kàbíní]

Les particules

(95)

le, fana, kɔni, wa, etc.

[lé], [fáná], [kɔ̀ní], [wà], etc.

2.3.2. La notation du ton grammatical

le Diula connais un ton bas flottant qui s’associe à la base nominale pour signifier le défini. Pour le signaler dans l’orthographe il avait été retenu de la matérialiser par un accent aigu porté sur la voyelle finale des substantifs polysyllabiques définis. L’absence de l’accent aigu sur la voyelle finale des substantifs polysyllabiques signifie l’indéfini.

Exemples :

Défini Indéfini

(96)

kálá

"l’arc"

kála

"un arc"

[kálá]

(97)

kalá

"le bâton"

kala

"un bâton"

[kàlà]

(98)

sagá

"le mouton"

saga

"un mouton"

[sàgà]

En ce qui concerne les substantifs monosyllabiques il avait été retenu de recopier leur voyelle afin que la voyelle recopiée serve de support à l’accent aigu marque de défini. C’est ainsi que l’on trouve dans les écrits orthographiques du DBF les noms monosyllabiques avec leur voyelle oral ou nasal redoublé sans l’indication de la marque tonale du défini. Or l’indication de cette marque s’opposerait à son absence pour distinguer substantif monosyllabique défini et substantif monosyllabique indéfini.

Exemples :

Tableau 3. monosyllabes à tons hauts
Défini Indéfini

(99)

sóó

"la maison"

sóo

"une maison"

[só]

(100)

báá

"le fleuve"

báa

"un fleuve"

[bá]

Tableau 4. monosyllabes à tons bas
Défini Indéfini

(101)

soó

"le cheval"

soo

"un cheval"

[sò]

(102)

baá

"la chevre"

baa

"une chevre"

[bà]

Le fait de redoubler la voyelle des substantifs monosyllabiques et le fait de ne pas marquer les indications tonales a permis l’émergence d’une règle : "pour différencier les monosyllabes qui représentent des noms et ceux qui sont des verbes ou autres catégories grammaticales on allonge systématiquement la voyelle de ceux qui sont les noms (noms isolés qui ne sont pas des mots composés)" INA (1987 p. 18).

Exemples :

Noms Verbes

(103)

bɛɛn

"entente"

bɛɛn

"rencontrer"

(104)

baá

"la chevre"

baa

"une chevre"

C’est cette règle qui est enseignée au néo-alphabetes pour justifier le redoublement des voyelles des noms monoxylabiques dans les écrits en DBF. Elle révèle l’ignorance de la répartition des lexèmes dioula en 3 classes à savoir :

  • les lexèmes nominaux caractérisé par leur aptitude de ne pouvoir s’associer qu’à des marqueurs nominaux exclusivement.

  • les lexèmes verbaux caractérisé par leur aptitude à ne pouvoir s’associer qu’à des marqueurs verbaux exclusivement. Pour qu’il puisse associer à des marqueurs nominaux il faut l’intervention de dérivatif.

  • les lexèmes verbo-nominaux caractérisés par leur aptitude de pouvoir s’associer aussi bien à des marqueurs nominaux qu’a des marqueurs verbaux sans l’intervention du dérivatif.

2.4. Le lexique de base jula

Les règles de transcription examinées ci-avant sont suivies d’un lexique de base constitué d’environ trois milles entrées. Pour l’écriture des entrées on y est tenu compte des règles proposées pour la notation des tons. Il procure au public utilisateur de l’orthographe dioula un matériau de référence qui propose des variantes orthographiques d’origine dialectale divers : dioula ethnique, dioula véhiculaire et dioula vernacularisé. Parmi les variantes orthographiques enregistrées dans le lexique on remarque qu’une forte proportion représente des formes bambara. Il s’agit de forme présentant :

  • des sons prénasals à l’initiale non attestés en DBF

Exemples relevés dans le lexique de base

(105)

ngɔni

"guitare"

(espèce)

(106)

ngɔyɔ́

"aubergine"

(espèce)

(107)

npogí

"cache sexe"

masculin

(108)

npogó

"cache sexe"

féminin

(109)

ntolá

"ballon"

  • L’occlusive à avéolair sonore d initial correspondant à la latérale l dans certains items en DBF

Exemples relevés dans le lexique de base :

(110)

danaya

"confiance"

(111)

de

"particule de mise en relief"

(112)

don

"prédicatif non varbal à valeur d’identification"

(113)

dóó

"association secrète"

(masque)

(114)

dóón

"jour"

(115)

dɔ́gɔ́

"marché"

(116)

dúú

"maison, famille"

  • l’occlusive vélaire sourde k à l’initiale ou en médiane correspondant à la vélaire sonore g dans certains items en DBF.

Exemples relevés dans le lexique de base

(117)

kalɔ́n

"mensonge"

(118)

kaman

"épaule"

(119)

féreke

"embroullier"

(120)

furukú

"se mettre en colère"

(121)

keku

"malin"

(122)

keleku

"basculer"

(123)

kɔ́gɔri

"faire signe en touchant"

(124)

méleke

"enrouler"

(125)

murukú

"sorte de paralysie"

(126)

súrukú

"hyène"

Le reproche essentiel que l’on peut faire à l’endroit du lexique proposé et que la traduction française des substantif ne fait pas ressortir qu’ils sont cités à la forme définie, en atteste l’accent aigu porté sur leur voyelle finale.

3. Autres guides de transcription orthographique du DBF

Outre les règles de transcription et lexique de base jula (Sous commission, 1974) nous avons connaissance de 4 autres documents qui véhiculent des informations concernant l’écriture du DBF. Le premier document a pour titre: Document pour la transcription du jula. Il a été élaboré en 1982 par le service pédagogique du ministère du Développement rural. Il est présenté comme un document provisoire comprenant trois parties : l’alphabet dioula, la représentation des sons et le représentation des mots. le deuxième document intitulé Guide et transcription en jula a été publié en 1984 par l’Institut de la Réforme et l’Action Pédagogique, à l’intention de son personnel chargé de dispenser des cours de transcription du dioula au futures maîtres dioulaphones au conseillers pédagogiques et aux élèves inspecteurs. le troisième document : Lisons et transcrivons le jula élaboré par la cellule jula de l’Institut National d’Alphabétisation (INA) en août 1987 est présenté comme Un instrument d’autoformation qui s’adresse à des personnes scolarisées et qui maîtrisent le dioula.

Le quatrième document rédigé en dioula à pour titre Julakan sariyasun. Il a été publié par l’INA en 1988. Cette publication n’est que la reproduction légèrement modifiée d’un autre ouvrage, lui aussi intitulé Julakan sariyasun publié dans le cadre du projet Manding Peulh (MAPE) en 1984. L’alphabet présenté dans ce guide comprend 27 lettres au lieu de 28 comme dans Sous commission (1974 p. 6). Il manque la lettre sh. En outre on y note que la lettre c succède à la lettre b et la lettre j se succède à la lettre i, comme c’est le même constat que l’on peut faire dans les trois premiers documents.

Dans Sous commission (1974) la lettre c succède à la lettre t et la lettre j succède la lettre d dans l’ordre alphabétique. Dans la partie consacrée au temps on trouve un procédé d’indication de la marque de défini qui consiste à proposer une apostrophe ou aux substances définies pour différencier les substantifs indéfinis mais ce procédé n’a pas été suivi par les scripteurs.

On retrouve dans ces quatre documents les mêmes règles que celle qui sont contenu dans Sous commission (1974). Elles y sont reprises (totalement ou partiellement) accompagné d’explications grammaticales plus ou moins développées. De ce fait on peut admettre que ces documents sont plutôt des essais de grammaire pédagogique destinés à un public scolarisé chargé d’encadrer les alphabétisateurs.

Le reproche fondamental que l’on pourrait faire à l’endroit de ces documents et que les auteurs ne signalent pas de façon explicite certaines modifications importantes intervenues dans le code au début des années 1980. Il s’agit par exemple de la modification de l’ordre alphabétique, et de la notation de la nasale palatale qu’il ne faut plus représenter par le diagraphe ny mais par le symbole ɲ de l’API. Ces nouvelles options font partie d’un ensemble de modifications qu’on trouvera dans une publication de la DNAFLA daté de 1982 intitulé : Règles d’orthographe des langues nationales.

Il faut rappeler ici que les propositions d’aménagement des règles orthographiques des langues mandingues ont été souvent adoptés au cours des séminaires internationaux regroupant des experts originaires des pays où la mandingue est utilisé dans la perspective d’une harmonisation de l’écriture du mandingue. La synthèse des travaux de ces séminaires est consignés dans des rapports qui malheureusement ne sont pas largement diffusés et restent méconnues. Quelquefois les recommandations faites au cours de ces séminaires internationaux ne sont pas respectés dans certains pays. Comme exemple on peut citer la notation des tons que seul le Burkina Faso a essayé d’intégrer dans les principes orthographiques du DBF. A propos de la notation des tons dans l’orthographe des langues mandingues, Coulibaly (1984 p. 892) écrit : A l’occasion de plusieurs réunions et auprès de très chaudes discussions (dans le cadre de l’ACCT et du CELTHO) tous les spécialistes des langues mandenkan (parfois à leur corps défendant) on pris la décision théorique de transcrire les tons". Dans la pratique cette décision est appliquée dans aucun pays utilisateur d’une langue mandingue. Un groupe d’experts représentant différents pays de l’Afrique de l’Ouest réunis à Bamako en 1966 a proposé des alphabets unifiés pour quelques langues de grandes diffusion de la sous région parmi lesquels le Mandingue. Galtier, (1975 p. 5) fait remarquer que "(…) les pays où la langue mandingue est parlée ne respectèrent pas les décisions de la conférence, ce qui fait qu’il y a maintenant cinq transcriptions officielles différentes pour cette langue ". Nous pensons que chaque pays peut maintenir son système de transcription à l’améliorer. En revanche , afin que les décisions prises au cours des séminaires internationaux puissent être respecté on exigera de scripteurs des différents pays mandingueophones de les appliquer s’ils veulent que leurs écrits soient reconnus au plan international.

Conclusion

Notre étude nous a permis de mettre en évidence l’incomplétude et l’imprécision des règles qui constituent le noyau du code orthographique du DBF utilisé depuis 27 ans. Ce code, élaboré à une époque où on disposait de peu d’informations sur la systématique du DBF, comporte de nombreuses lacunes qui méritent d’être comblée afin de limiter les difficultés auxquelles le scripteur se trouve confronté quand il écrit en DBF. Ce code intègre par ailleurs des variantes d’origine dialectales mandingues diverses pour tenir compte des recommandations faites au cours de réunion d’experts dans la perspective de l’unification de l’écriture des langues mandingues qui n’a pas encore été atteinte. Cette dernière option a pour conséquence d’occulter dans une certaine mesure la spécificité du DBF. Pour remédier à cette situation la Sous-commission du DBF a tenu un atelier pour la révision des règles orthographiques du DBF à Ouagadougou du 27 août au 5 septembre 1998. Au cours de cet atelier d’importantes décision ont été prises pour apporter des précisions ou des modifications dans les principes orthographiques du DBF.

Parmi les innovations on peut citer :

L’adoption de l’ordre alphabétique du français : la lettre c c’était après la lettre t. Désormais elle serait cité après la lettre b. Quant à la lettre j qui succédait à d, désormais elle sera cité après la lettre i. En outre il a été décidé d’ajouter la lettre v à l’alphabet, de remplacer la diagraphe ny par ɲ et d’abandonner la lettre sh non utilisé dans les écrits en DBF.

Il a été retenu que les digraphes gw et kw, bien que ne figurant pas parmi les lettres de l’alphabet peuvent être utilisés dans les écrits en DBF.

Il a été recommandé de ne pas élider la voyelle finale des verbes monosyllabiques dans les textes en DBF.

La notation des tons : il a été décidé de ne pas noter les tons dans l’orthographe : mais dans les ouvrages lexicographiques telle que les dictionnaires et les lexiques, les tons seront obligatoirement notés. En l’absence de l’écriture des tons dans l’orthographe, les personnels 3e personne du singulier et 2e personne du pluriel ayant une même signifiant segmental a ne sont plus différenciées. Pour remédier à ce problème il a été convenu de représenter le personnel 3e personne du singulier à avec un accent grave, quel que soit son contexte d’apparition et même sous sa forme majuscule afin de le différencier du 2e personne du pluriel qui s’écrira a sans accent.

La marque du défini : parmi les principes orthographiques du DBF, il avait été retenu de recopier la voyelle finale des substantifs monosyllabiques afin que la voyelle recopiée serve de support à un accent aigu considéré comme marque du défini. Dans la pratique l’habitude s’est instauré de redoubler systématiquement la voyelle des substantifs monosyllabiques sans marquer l’accent. Il a été décidé de généraliser cette habitude - qui déjà particularise le système d’écriture du DBF par rapport au système d’écriture des autres langues mandingues - aux substantifs polysyllabiques pour signifier le défini. Ne pas recopier la voyelle finale d’un substantif signifie l’indéfini.

Nous regrettons cette décision qui pourrait entraver la diffusion dans l’espace mandingueophone des manuels en dioula imprimés au Burkina Faso.

De l’orthographe du mot dioula : il a été décidé que dans un texte français, on écrira désormais "dioula" et que la forme "jula" serait utilisé exclusivement dans les textes en dioula.

L’ensemble des règles révisées en temps d’être rédigé sous forme d’articles avant d’être présenté à l’autorité politique pour officialisation.


1. Le contenu de la première version de cet article a été présenté au cours du séminaire organisé par la Sous commission national du dioula à Ouagadougou du 17 août au 9 septembre 1998. L’objectif du séminaire était la révision des règles orthographique du dioula.
2. Les participants au séminaire pour la révision des règles orthographique ont reconnu qu’ils rencontraient les mêmes difficultés.